Il n'en a parlé à personne ce soir-là pas plus que d'habitude, de cette femme et de ces enfants qui occupaient ses pensées en permanence.
Pourtant, à la table familiale de Bertrand, ce voisin qui l'avait si gentiment invité en ce soir de Noël , il s'est senti si seul si infirme.
Quand il était revenu de la guerre avec son bras malade, son bras qui ne pourrait jamais plus creuser le sillon, tailler les arbres, tirer l'eau du puits, il avait réfléchi.
Comment faire vivre Marie et les enfants ? Comment mettre sur la table chaque jour le pain et le miel ? Et les enfants, n'auraient-ils pas honte d'aller aux manèges ou à l'étang avec un père diminué?
Alors, il n'était jamais rentré.
Il n'avait jamais revu ni Rose ni Pierre ni Jeanne ni hélas, Fidèle morte pendant la guerre.
Bien sûr, Marie, quand elle portait son linge à l'étang, il l'avait suivie souvent, accroupi, dissimulé dans les hautes herbes comme un animal traqué. Il pouvait distinguer sa silhouette fragile, ses longs cheveux châtains et parfois le reflet de ses yeux d'or.
Les enfants, il aimait, le dimanche, les regarder de loin, jouer aux manèges, dans leurs manteaux blancs.
C'est là qu'un jour Marie est venue les chercher avec un homme.
Cet homme avait un regard si chaud pour Marie et des mains si bonnes pour les enfants que lui, l'infirme, il est parti, il a quitté le village pour toujours...
Texte écrit pour la consigne 64 du blog de
http://coumarine2.canalblog.com/ Paroles Plurielles
et texte réponse à la chanson"Dites-lui" de N.Heiman et E. Marnay enregistrée en 1970 chez CBS par Marie Laforêt
4 commentaires:
très bien, toujours fidèle à Marie Laforet !!!!!
Je suis de plus en plus admiratif en découvrant ces talents cachés !!!
sI JE COMPRENDS BIEN, avant tu me citais sans citer Courmarine et maintenant, c'est l'inverse!!!!...
A part ça, tes textes et ton blog sont très beaux.
Beaucoup d'émotions dans ce texte.
(j'avais aussi participé à ce jeu)
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