lundi 11 février 2008

L'homme beau.

Charlotte Delbo est une femme écrivain française née en 1913 qui a adhéré très jeune au parti communiste. Elle y a rencontré Georges Dudach en 1934 qu'elle a épousé.
Pendant la seconde guerre mondiale, dès septembre 1941, elle et son mari décident d'entrer dans la résistance. Ils font partie du groupe Politzer qui rédige un journal clandestin appelé "les lettres françaises" dans lequel écrit, entre autres, Louis Aragon.
Charlotte et son mari sont arrêtés le 2 mars 1942. Georges sera fusillé au Mont Valérien le 28 mai 1942 à l'âge de 28 ans.

Voici ce très émouvant poème d'adieu de Charlotte à son mari :

"Appuyé au mur, Georges m'attendait. Je n'oublierai jamais son sourire.
(......)
Je lui ai dit
que tu es beau.
Il était beau de sa mort à chaque seconde plus visible.
C'est vrai que cela rend beau
la mort.
Avez-vous remarqué
comme ils sont beaux
les morts, ces temps-ci
comme ils sont jeunes et musclés,
les cadavres de cette année.
Elle rajeunit tous les jours
la mort
cette année
un petit gars hier n'avait pas dix-neuf ans.
Je sais bien qu'il n'y a rien comme elle
pour vous embellir un vivant
rendre le visage de l'enfance.
Lui était beau de sa mort
à chaque seconde plus beau
qui allait se poser sur lui
plaquer à son sourire
à ses yeux
à son cœur
à son cœur tout battant
tout vivant.
D'autant plus horrible qu'il était plus beau
d'autant plus horrible qu'ils sont
plus jeunes et plus beaux
tous
couchés côte à côte
beaux pour l'éternité
et fraternels
alignés
quand on moissonne l'homme comme l'épi
l'épi en sa saison le grain mûr
l'homme en sa saison
à l'été de la révolte
quand on couche l'homme comme l'épi
le regard en face de l'acier
poitrine offerte
poitrine crevée, cœur troué
ceux qui avaient choisi.

C'est ce qui le faisait si beau
d'avoir choisi
choisi sa vie, choisi sa mort,
et d'avoir regardé avant."

Charlotte Delbo, une connaissance inutile.

Malheureusement, le calvaire de Charlotte Delbo ne s'arrête pas là car elle a été déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943 qui transportait 230 femmes. Elle fût l'une des 49 rescapées de ce convoi et porta, sa vie durant, le numéro 31661 tatoué sur le bras.
Elle a été rapatriée par la Croix Rouge Le 23 avril 1945.
Après la guerre, elle a travaillé pour l'ONU, le CNRS et a beaucoup écrit au sujet de la déportation.
Elle est décédée le 1er mars 1985.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci de m'avoir fait connaître cette belle et malheureuse poètesse.

O.