Une vie

Voici un texte que j'ai composé à partir des propres mots de Jeanne Moreau lors d'une interview.

Je suis née jardin en friche
Je ne pensais pas faire quelque chose de ma vie

Mais j'étais
Désobéissance
Je ne voulais pas être ce que mes parents voulaient que je sois

La vie de tous les jours me faisait peur

Et puis
J'ai fait feu de tout bois
Je me suis nourrie de tout

La solitude est mon amie

Qu'est-ce que le bonheur?
Le bonheur, c'est
La chance
D'avoir la capacité d'émerveillement

Et puis, il y a
La Joie
Inexprimable

Il y a le pouvoir du regard

Il y a l'enchantement et l'emprisonnement
De la passion

Il y a les gens que j'aime et que j'ai aimé
Que je porte en moi tout le temps

Plus le temps passe
Plus ma peau est fine,
Sensible,
à la connaissance
De l'âme humaine

Et moi

Je suis corps et âme
Ce que je suis.
Jeanne Moreau

Narcisse

Voici un texte sur un tableau proposé par mon amie Sylvaine à qui je le dédicace.


Narcisse, Le Caravage, 1595


J'avais un visage d'enfant
Tout joli tout craquant
L'eau reflétait mes joues lisses
On me retenait de tomber dedans

J'avais un visage seize ans
Tout tendre tout souriant
L'eau reflétait mes délices
On m'embrassait devant

J'avais un visage marquant
Tout tendu tout ardent
L'eau reflétait mes yeux tristes
Mes enfants jouaient dedans

J'ai le visage du temps
Tout usé, chiffonné par les ans
L'eau reflète mon néant
Un jour, on me jettera dedans!

Brume

Voici mon texte pour la consigne de Juliette pour Papier Libre sur une photo de Gérard Berger

Que feras-tu aujourd'hui?

Du fonds des plaines, des ravins, des forêts
Monte la complainte des vapeurs de la nuit.

Le jour s'épanouit.

Je dois quitter mon silence et mon nid.
La vie simple et nue me lance son cri:

Que feras tu aujourd'hui du bouquet de tes heures?
Les égrèneras-tu en un long ennui
Ou seras-tu ce veilleur au cœur qui bat et qui vit?

Silence

Edouard Le Bas, Intérieur, 1951, détail


On m'a tant expliqué
Le mensonge
La vérité
Le présent
Le passé

On m'a tant dit ce qu'étaient
L'amour
La haine
L'amitié

On a tant cherché les problèmes
Toutes les solutions ont été trouvées.

On est tellement sûr d'avoir raison
Qu'il n'y a pas à discuter

Et

Que
Parfois
J'ai envie
De me taire
A tout jamais.

L'offense

Sans malice, sans défense
J'aimais en silence
J'aimais en innocence

Et l'offense est arrivée

Elle me disait d'avancer
J'avais vu son fourreau
Pas son épée
J'étais si confiante
Ça ne pouvait pas m'arriver

Et pourtant, elle a frappé
Frappé encore
Frappé à volonté

Elle est un guerrier
Elle aime le souffle coupé
Elle aime le cœur brisé

Elle m'a tuée

L'illustration : "L'ange blessé" , Hugo Simberg, 1903

Ce poème fait partie d'un groupe de trois.
L'offense est le premier
Le second est ici
Le troisième se prépare

Tristes Tropiques

Pratiquer le courage
Devenir un guerrier
Partir à l'abordage
Du blanc meurtrier

J'étais nu et gai
Au fond de ma forêt
Je vivais du suc et du lait
Que la nature me donnait

Ils sont venus un soir d'été
Ils disaient qu'il n'était pas sage
De vivre sans arme et sans bagage
Avec ma richesse sur le visage

J'ai cru qu'ils étaient grands
J'ai cru qu'ils étaient mages
Plus grands et plus sages
Que moi , l'enfant de la forêt

Aujourd'hui s'il me faut du courage,
C'est pour ne pas pleurer!

Chemin de Compostelle

Partir un matin

Partir sans rien
Même pas un sac
Rien dedans


Marcher devant
Tout droit
Tout le temps

Espérer le pain
Quotidiennement
Ou
jeûner un temps


Espérer l'accueil
Le soir venant
Ou
Dormir au vent

Apprendre à vivre
Sans toit
Sans toi
Sans moi


Seulement
Toi

Le bain

Avant l'installation des chauffe-eau et de l'eau courante

Prendre un bain était une opération assommante
Il fallait remplir des seaux et des seaux
Puis, dans des casseroles qui encombraient le fourneau
On n'en finissait plus de faire chauffer l'eau!

Comme on ignorait l'existence de la salle de bain

La baignoire en céramique, en cuivre ou en zinc
Etait installée dans la cuisine, près du foyer
Il fallait oser s'y dénuder avant de plonger

Le bain était exception avant l'avènement de la canalisation
On se contentait souvent d'une simple et rapide désinfection
Dans la cuvette, avec trois doigt d'eau du broc!

Illustration 1: "Jeune fille se séchant" Edgard Degas 1885
Illustration 2: "Le tub " Edgar Degas 1886
Illustration 3: " L'homme à sa toilette" Maximilien Luce 1886

La charité du sourire

J'aimerais vous faire partager ce très beau texte souriant du journaliste Guy de Larigaudie que je viens de découvrir....

Il est un bon moyen de se créer une âme amicale : le sourire.
Pas le sourire ironique et moqueur, le sourire au coin des lèvres,
qui juge et rapetisse
mais le sourire large, net.

Savoir sourire : quelle force !
force d'apaisement, force de douceur, de calme
force de rayonnement.

Un type fait une réflexion sur ton passage ...
Si tu es pressé ...tu passes..., mais souris, souris vraiment.
Si ton sourire est franc, joyeux, ton type sourira aussi...
et l'incident sera clos dans la paix;
Essaie.

Tu veux faire à un camarade une critique que tu juges nécessaire ?
lui donner un conseil que tu crois utile.
Critiques, conseils, choses dures à avaler.
Mais souris, compense la dureté des mots par l'affection de ton regard
le rire de tes lèvres, par toute ta physionomie joyeuse.
Et ta critique, ton conseil portera mieux...
parce qu'ils n'auront pas blessé.

Il est des moments où devant certaines détresses les mots ne viennent pas,
les paroles consolatrices ne veulent pas sortir...
Souris avec tout ton cœur, avec toute ton âme compatissante.
Tu as souffert et le sourire muet d'un ami t'a réconforté.
Tu ne peux pas ne pas avoir fait cette expérience.
Agis de même pour les autres.

"Christ, disait Jacques d'Arnoux, quand ton bois sacré me harasse et me déchire
Donne moi quand même la force de faire la charité du sourire"

Car le sourire est une charité

Souris à ce pauvre type à qui tu viens de donner deux sous...,
à cette dame à qui tu viens de donner ta place...,
à ce monsieur qui s'excuse parce qu'il vient de t'écraser le pied en passant.

Il est malaisé parfois de trouver le mot juste, l'attitude vraie, le geste approprié.
Mais, sourire !
C'est si facile.. et cela arrange tant de choses !

Pourquoi ne pas user et abuser de ce moyen si simple.

Le sourire est un reflet de joie. Il en est source.
Et là où la joie règne
- je veux dire la vraie joie, la joie en profondeur et en pureté d'âme-
là aussi s'épanouit cette "âme amicale" .

Soyons des porteurs de sourire et
par là des semeurs de joie

Guy de Larigaudie

Illustration 1 : Frans Hals "La bohémienne" détail, 1630
Illustration 2 : Vincenzo Campi "La cuisine" détail, XVIe siècle
Illustration 3 : "Tête Rampin" provenant de l'Acropole d'Athènes VIe ACN

Le dîner

Autrefois, on dînait à Paris à seize heures au plus tard
L'étiquette accordait aux invités un quart d'heure de retard
Après quoi, avec ou sans eux, on passait à table




D'un bouquet de fleurs jolies, le décor était éclairci
Et dans la porcelaine fine, le dîner était servi
Se succédaient alors hors d'œuvre et charcuteries
Entremets et viandes rôties
On avait toute la soirée pour se goinfrer et digérer .

C'est au siècle des affaires et de l'industrie que les choses ont changé.
L'heure du dîner fût si retardée que les dames,
Inspirées par le modèle anglais et par la faim tenaillées,
Se mirent à dix-sept heures, aux sucreries et tasses de thé.
Le dîner en fût d'autant allégé et la soirée raccourcie.

Illustration 1 : William Orpen "Une famille de Bloomsbury" 1907
Illustration 2 : Philip Connard "Matin de mai" XIXe siècle
Illustration 3 : Alfred de Richemont "les crêpes" XIXe siècle
Illustration 4 : Victor Gabriel Gilbert " La laveuse de vaisselle", 1878

Ecrire

Que je vive cent ans ou bien quelques décades
Je ne supporte pas de voir le temps passer
On arpente sa vie au pas de promenade
Et puis on s'aperçoit qu'il faudra se presser
Que vous sachiez de moi ce que j'en veux bien dire
Que vous soyez fidèle ou bien simple passant
Et que nous en soyons juste au premier sourire
Sachez ce qui pour moi est le plus important
Oui le plus important
Ecrire pour ne pas mourir
Ecrire sagesse ou délire
Ecrire pour tenter de dire
Dire tout ce qui m'a blessé
Dire tout ce qui m'a sauvé
Ecrire pour ne pas sombrer
Ecrire au lieu de tournoyer
Ecrire et ne jamais pleurer
Rien que des larmes de stylo
Qui viennent se changer en mots
Pour me tenir le coeur au chaud.

Anne Sylvestre




Illustration 1 : Charles Baugniet "La lettre" XIXè s.
Illustration 2 : Jacques Louis David " Marat assassiné" 1793

Hommage à Henri Bosco

Voilà quelques mots pour un auteur qui m'a donné mes toutes premières émotions littéraires : Henri Bosco



J'ai en moi l'amour des plantes depuis l'enfance
Qu'elles soient cultivées ou croissent librement
J'ai mes plus profonds attendrissements
Devant ces humbles poussées dans les champs

J'ai constitué un herbier au secret de mon grenier
Pour les grands froids, j'y ai fait bâtir une cheminée
Et l'hiver , j'y passe seul toutes mes soirées
A trier mes plantes, les soigner, les regarder

Je dis leur nom pour moi seul qui les ai cueillies l'été
Je dis à haute voix le nom de ces amies cachées
Je n'ai pas d'autre bonheur que de vivre dans ce grenier
L'amour des plantes qui, à l'amour humain ,s'est substitué

Au nom du père.

Moi je suis la fille d'un père formidable, bonne fête papa!

Au nom du père
Il y aura un fils
Si au moment de l'esquisse
Il pose sa main sur le ventre lisse

Au nom du père
Il y aura un fils
Si au moment des jeux
Il oublie qu'il est le plus vieux

Au nom du père
Il y aura un fils
Si au moment de la rébellion
D'un autre être, il respecte la constitution

Au nom du père
Il y aura un fils
Si au moment du doute ou de la foi
Il a transmis les tables de la loi

Alors
Au nom du père
Au moment de l'à Dieu
Au pied du lit
Il y aura un fils

Illustration 1 : Miniature extraite d'un livre médiéval, XVè s.
Illustration 2 : Oskar Kokoschka " Enfants jouant" 1909
Illustration 3 : Sarcophage de Cerveteri vers 500 ACN
Illustration 4 : Melchisédech, Abraham et Moïse, porche de la cathédrale de Chartres, 1194
Illustration 5 : Ex voto anonyme à San Camilo de Lelis, 1847

Amaury

Voilà des jours et des nuits qu'il me poursuit

Tu vas parler de moi?
Tu as parlé de moi?
Pourquoi tu parles jamais de moi?

Comme si
Sous prétexte que je crie, j'écris
J'étais capable de le mettre en poésie

Il est mon prince, c'est un charmant
Il est mon amour, c'est évident
Mais pour vous le dépeindre en vers
Physique et caractère
Vraiment
Je ne vois pas comment faire....

J'ai trouvé une solution
Hier soir, bien tard...
Je vais simplement vous montrer
Son devoir réalisé pour son cours d'art

Mon coeur de mère en est fier
Et il sera content
Du moins
Je l'espère...



Pastel réalisé par Amaury, 14 ans

Arte y Pico

Lilounette a eu l'extrême gentillesse de me décerner le prix Arte y Pico et pour lequel , je la remercie chaleureusement!

Ce prix nous vient d'Uruguay, créé par Eseya, jeune femme artisan d'art qui fabrique des poupées de lainage empreintes de la poésie et de la magie aux portes du sacré, qui animent l'ensemble de l'art populaire Sud-Américain.

Il s'agit pour le lauréat de décerner à son tour ce prix à 5 blogs choisis pour leur créativité ,leur conception et leur apport positif à la communauté des blogueurs et de continuer ainsi la chaîne.

J'y ai réfléchi et voici le résultat de ma méditation.

Impossible sélection pour moi!

Chacun d'entre vous, mes frères et soeurs blogueurs, vous avez reçu des talents que vous mettez au profit de la communauté. Les uns peignent, les autres photographient, calligraphient, écrivent....J'en connais même qui cousent et brodent !
Je trouve chez vous tous qui me visitez et que je visite créativité et apports positifs de sorte que la liste des élus se confond absolument avec ma liste de liens (en espérant que je n'ai oublié personne sinon dites le moi!!) .

Je vous invite à aller visiter le blog de photos et d'écrits très très riche de Lilounette qui m'a si gentiment élue et à visiter tous les lauréats de mes prix "Arte y Pico" dans mes liens....

Cathédrales

Cathédrale, audacieuse, magnifique
Tu te dresses vers la Jérusalem céleste
Détachée des simples choses terrestres
Parée de vitraux, de nefs, de transepts

Le manant, noyé dans ta beauté
Pénètre les royaumes éthérés
Dès le porche, tu l'accroches
De tes sentinelles de pierre
Et dans ta maçonnerie, enchâssés
Les quatre symboles sacrés de La Vérité



Tes bas-reliefs enseignent la théologie
La maternité sereine et éternelle de Marie
Et la mort de l'Elu dans ses draperies



Rien n'est épargné de cette histoire triste et vraie
C'est pour l'édification et le réconfort
De milliers de condamnés à mort
Que des artistes de tout bord
Ont passé tant et tant d'années
A construire ces cathédrales de beauté!

Laisser la mer partir enfin!

Mon amie Alice avait laissé quelques mots sur son blog, the newcomer.
Les voici :

Briser les coques des bateaux

A coups de hache, de poing, de pied

Les empêcher d'aller sur l'eau

Les regarder souffrir

Et

Dépérir

Le cœur tout noyé

te maudire

Lapider les oiseaux

Détester le vent

La mer

Cracher dedans

Ces mots-là m'ont émue, je lui ai donc répondu ceci :

Reconstruire tes bateaux

Avec mes mains, avec ma peau

Ramasser tes coquillages

En remplir mon seau

Chasser les oiseaux

Arrêter leurs carnages

Frapper, tuer ton chagrin

Et

Te donner mon coeur

Te donner ma main

Courir, courir au loin

Loin des nuages

Abandonner la plage

Laisser la mer

Partir enfin.

Les photos sont aussi celles d'Alice qui nous les montre le plus souvent in the black and whiter

Initiale

Aujourd'hui, j'ai joué au jeu des initiales proposé par les "équipières"

Imprécise
Naïve
Irrégulière
Tarabiscotée
Insouciante
Amoureuse
Lente
Equilibrée