jeudi 22 mai 2008

La grande lessive

C'était au temps des grands trousseaux
Au temps des armoires pleines
On faisait la lessive deux fois l'an
L'une à l'automne, l'autre au printemps
Trois jours au moins durait la cérémonie
C'était la fête dans les familles




Il y avait le cuvier posé sur un trois pieds
Demi tonneau en bois de fer cerclé
Troué d'un pissoir d'où l'eau s'égouttait
Et qu'avec un torchon de paille, on bouchait

Le premier jour, on chargeait le cuvier
Dans le fond, les branches du fagot
Egouttoir parfait sur lequel on étendait
Le drap de toile avec les cendres en dépôt
Dessus, on arrangeait le linge
Du plus commun au plus beau
En strates ordonnées
On remplissait jusqu'en haut





Le lendemain, on versait l'eau chauffée
Par le trou, ça coulait, ça coulait
On la récoltait dans le baquet
Et encore, et encore, elle bouillait
sur les chaudières de la cheminée
Pour la remettre sur le linge imbibé.

Le troisième jour, les laveuses le sortaient
Et sur les charrettes, dans les corbeilles, le chargeaient
Armées de brosses et de battoirs
Elles allaient en cortège au lavoir
Savonner, frotter, taper
Il fallait les voir
Rire, chanter et s'amuser!



Après quelques heures , quels étendards!
Sur les près, sur les haies
Du cimetière jusqu'au lavoir!

De ces jours éblouis
Il ne reste aujourd'hui
Que le souvenir
De cette gaieté qui régnait
Les jours de grande lessivée!

Illustration 1 : Pieter De Hooch "L'armoire à linge"
Illustration 2 : Jean François Millet " La Lessiveuse"
Illustration 3 : Jean Baptiste Siméon Chardin "La Blanchisseuse"
Illustration 4 : Louis Léopold Boilly "Jeune femme repassant"

Posted by Picasa

19 commentaires:

Anonyme a dit…

...J' aimerais ne pas être vulgaire pour dire ....(vais essayer avec de beaux mots)

Durant six mois, que de gentilles petites bêtes nichées dans les restes de cuisine, d' effluves féminines , amoureuses n'ont elles pas pu se reproduire .
Quel doux parfum pouvait il s' echapper de ce linge entassé six mois durant dans des greniers, attendant la délivrance de la pureté ?

>>>oh hé, vous moquez pas de moi les autres, hein ?

Mais Catherine...très bien écrit, j' ai sourit (ca m' est plus arrivé depuis quelques jours) merci !!!

Anonyme a dit…

Je sens le linge propre d'ici!!!

Anonyme a dit…

6 Mois ? Non pas chez nous, mais c'est la dedans que petits, notre ère nous baignait.

Anonyme a dit…

Magnifique que c'est ici! Je le mets dans mes favoris!!

Anonyme a dit…

La repasseuse est magnifique...d'autant que je ne repasse jamais sinon sur tes images et sur tes mots...

Anonyme a dit…

Joli texte sur l'écume des jours...

Anonyme a dit…

Petite-fille des années soixante j'ai connu les samedis lessiveuse posée sur la cuisinière à charbon. Elles se mettaient à deux pour la "monter", c'était lourd. Dans le fond de la lessiveuse elles plaçaient de vieux restes de savons de Marseille. Nous les enfants, on écrivaient sur les vitres pleine de buée. Lorsque le linge avait suffisamment bouilli- l'odeur du "propre" est pour toujours associé dans ma mémoire olfactive avec celle du savon de Marseille chaud- elles redescendaient prudemment la lessiveuse. C'était dangereux, combien se sont ébouillantées? Ma grand-mère paternelle habitait un taudis insalubre, juste en-dessus d'un très vaste lavoir. Le bassin devait bien mesurer dans les dix mètres de long sur trois de large. Elles brossaient alors les draps de métis rude avec des brosses raides, ma grand-mère le battait encore le linge, malgré ses cinquante ans. Je revois tout comme si c'était hier...

Merci Catherine de parler de cette tâche qui si elle était agréable l'été, était un vrai enfer en hiver les mains dans l'eau glacée...

Bonne soirée :)

Anonyme a dit…

Je me souviens aussi, du savon de marseille, du lavoir , la lessiveuse emportée sur une brouette , le baquet, même que le dimanche on s'y baignait ( un seul jour par semaine ) , je me souviens , je me souviens,nous avons en héritage des ces temsp-là garder le baquet dans un coin de jardin ( rire )
Et la lessive par tous les temps, parfois l'eau de la rivière glacée !
Bonne soirée

Anonyme a dit…

vive le progrès quand meme pour toutes ces femmes, nos meres nos grands meres, pour nous...
..
tu écris avec une telle facilité il me semble! cela en devient étourdissant!
je t'embrasse Catherine
et à mon tour de venir te souhaiter un tres bon week end...
à très vite! :0010:
Alice

Anonyme a dit…

Non,je ne regrette pas ce temps-l�..Tu as su en voir la beaut�les moments de rire partag�s et c'est vrai,sans doute...mais il fallait �tre aguerrie et solide...Je suis �puis�e rien que d'y penser..Gazou

Anonyme a dit…

A l'époque dont tu parles, je n'étais pas né...
bel écrit Catherine, c'est joliment dit.
Les illustrations sont belles aussi...
je te souhaite un bon week end, autrement qu'à la lessive, j'espère...

Anonyme a dit…

Aux soirs de ces jours de lessive elles avaient vraiment lavé leur linge sale ...Elles étaient crevées ..mais détendues pour l'amour.
Un autre temps oui !

Anonyme a dit…

beaujour catherine
allé bonne fête des mères à toutes ces femmes...
et puis "soyons fou"... à toutes j'offre un machine à laver. je le reconnais, ce n'est pas un cadeau poétique... mais qu'elle indispensabilité !!!

un trés joli texte, qui nous plonge dans la douceur du souvenir et la rudesse de la vie.
bon WE à toi

Vagabondage a dit…

Bonjour Catherine...

Normal, "la Mathilde est revenue", même si le personnage n'est pas si glorieux.. Chantée par le grand Jacques, c'est un honneur!

Je suis heureuse de te retrouver Catherine, et tous les amis de la blogosphère.

Ton texte me fait souvenir de ce livre merveilleux de Jean-Pierre Chabrol, "Le crève Cévennes" la lessive se passait de la même manière..

Je suis encore u peu désorientée, mais tout va rentrer dans l'ordre, partir, revenir est aussi agréable et plein de joie.

Je t'embrasse mon amie et à très bientôt.

Anonyme a dit…

Ce texte est magnifique car il porte avec lui les effluves, les sons et les couleurs... que j'aimerais savoir écrire sur de si belles choses, des choses toutes simples... un pur régal des sens. Alex

Anonyme a dit…

ça me plaît aussi beaucoup. Tu mets ton talent au service de nos racines. C'est très beau!
Et merci pour les références de peintres, j'ai encore besoin de trouver des illustrations pour illustrer l'histoire de mon notaire.

Anonyme a dit…

Mon arrière grand-mère que j'i eu la chance de connaître très tard, me racontait effectivement, qu'ils allaient deux fois par an laver le lnge dans le Doubs..... justement à l'endroit où j'allais me baigner.

Bises

Anonyme a dit…

J'aime quand tu nous contes la vie d'antan... Vie que l'on a si vite effacée de nos mémoires... A te lire, on en regretterait presque cette fête, ces odeurs et ce décor...
Pascale

Anonyme a dit…

Je découvre ce blog avec beaucoup d'intérêt. Très beaux textes, jolies illustrations, plein d'émotions... Je reviendrai voir souvent.